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Chronique hebdomadaire 30/04/2021

Le temps de la vigilance

Quel changement en un an ! A la même époque l'année dernière, un confinement strict faisait sentir sa rigueur un peu partout ; on s'interrogeait sur l'ampleur et la durée de la pandémie et nul ne se hasardait à prédire une date de sortie de la récession. Les indices actions avaient légèrement rebondi mais le Stoxx 600 était encore de 20% inférieur à son pic de février. 

Aujourd'hui, la croissance est de retour. Certes un peu plus aux États-Unis qu'en Europe, mais le mouvement est là. Au niveau mondial, personne ne remet véritablement en cause les prévisions du FMI qui voit une hausse du PIB de 6,0% ; ce sera peut-être 5,5% ou 6,5%, mais peu importe, la direction est donnée, c'est vers le haut. Toutes les enquêtes de conjoncture, en Europe comme aux États-Unis relaient d'ailleurs le même message. 

On connait les raisons de ce rebond : un effet rattrapage tout d'abord ; ensuite, à la différence des crises passées, les ménages et une grande partie des entreprises (cela reste compliqué pour le secteur de l'hôtellerie-tourisme au sens large) abordent cette reprise avec des bilans solides voire renforcés. Les ménages, contraints dans leurs dépenses, voient même leur taux d'épargne remonter fortement. 
Selon l'agence Moody's, citée par le Financial Times, l'excès mondial d'épargne des ménages par rapport au niveau moyen de 2019 se situerait à 6% du PIB. En revanche, le bilan des Etats s'est nettement dégradé. Ayant retenu la leçon désastreuse de la crise précédente, les différents gouvernements ont tourné le dos aux politiques d'austérité. Et pour des raisons que nous avons expliquées dans notre dernière chronique, les États-Unis, sous la houlette de Joe Biden, se sont lancés dans un expansionnisme budgétaire jamais vu en temps de paix, ce qui profitera à l'ensemble de l'économie mondiale. Tout cela avec la bénédiction des banques centrales qui maintiennent des politiques monétaires ultra-expansionnistes. 

Bref, l'économie est en plein boom, les taux d'intérêt sont voisins de zéro, les ménages et les entreprises (de manière agrégée) regorgent de liquidités. Tout baigne. D'ailleurs les bourses ne s'y sont pas trompés ; les grands indices mondiaux sont pour la plupart en hausse de 30% à 40% sur un an (en euros). 

Cela dit, on commence à voir quelques signes d'essoufflement sur le marché. Nous sommes actuellement dans la période de publications des résultats du 1er trimestre 2021. Ces publications sont pour la grande majorité d'excellente qualité. Selon Bloomberg, 45% des publications ont battu les attentes du Consensus pour le Stoxx 600 et 87% pour le S&P 500. Certaines valeurs, comme Microsoft, Texas Instruments, voire BNP Paribas, ont vu leurs titres stagner, voire baisser bien qu'ayant publié des résultats de grande tenue. Oh bien sûr, à ce stade, des prises de profits sont normales. Néanmoins, ces signaux donnent à réfléchir. Non seulement sur la pertinence du consensus des analystes (mais c'est un autre débat) mais surtout sur ce qui est déjà incorporé dans les prix des actifs ou pas. Tous les analystes et stratégistes, font à peu près le même constat, toutes les métriques envoient le même message : les marchés actions sont richement valorisés, notamment aux États-Unis. Le Q de Tobin, le ratio de la capitalisation boursière totale sur le coût de remplacement des actifs est à un plus haut historique de 2,7 pour une valeur médiane de 0,7. Les plus critiques diront – et ils auront raison – que ces ratios ne nous aident pas beaucoup. Si on sait que la valorisation a tendance à revenir vers sa moyenne, personne ne peut prédire quand. Ce qui est cher peut devenir encore plus cher et tout le monde sait bien que faire des prévisions sans chronologie associée ne sert pas à grand-chose. 

Néanmoins, nous commençons à penser que beaucoup de bonnes nouvelles sont déjà dans les cours. Il est donc inutile aujourd'hui de prendre des risques excessifs. Certains actifs ont connu des comportements disons, pour le moins exubérants, et un retour au calme ne serait finalement pas une mauvaise chose. Nous ne pensons pas pour autant que nous sommes à la veille d'un krach. Nous sommes pour l'instant protégés par la puissance de cette vague qui porte la croissance mondiale et qui bénéficie à tous. 

Nous sommes également à l'ombre des banques centrales qui, avec leurs politiques, limitent le potentiel de hausse des taux. Tant que la croissance est au rendez-vous et que les taux ne montent pas trop, tout ira bien, ou du moins les corrections seront d'une ampleur limitée.  Le scénario le plus problématique serait un changement inattendu d'orientation des politiques monétaires. On peut imaginer par exemple que la Fed, pour faire face à une résurgence imprévue de l'inflation, décide de fermer le robinet des achats d'actifs (le fameux « tapering ») plus vite et plus fort que prévu. On verrait alors les taux monter et les anticipations de croissance fléchir. Inutile de dire que tout cela aurait des conséquences assez négatives sur les marchés de taux et d'action. 

Mais tout ceci n'est pour l'instant que de la science-fiction. Comme le signalent les économistes de ODDO BHF « hormis les tensions ponctuelles sur les prix, les véritables forces inflationnistes (tensions salariales, excès de crédit) sont absentes ». C'est également le message relayé par la Fed dans ses communications récentes. Résumons notre état d'esprit : vigilance, certainement ; inquiétude, non. 


Hugues de Montvalon
Gérant de portefeuille
ODDO BHF Banque Privée
Rédigé le 30 avril 2021

 

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